Le Vatican savait dès 1955 : l'autre visage de l'abbé Pierre révélé par un livre-enquête
Le fondateur d’Emmaüs, accusé depuis 2024 d’agressions sexuelles, faisait déjà l’objet d’alertes dans les hautes sphères de l’Église dès les années 1950. Un livre-enquête révèle que le Vatican était informé, mais a enterré l’affaire.
L'abbé Pierre dans les locaux d'Emmaüs International à Alfortville (Val-de-Marne).
Crédit : BERTRAND GUAY / AFP
D’après L’Abbé Pierre, la fabrique d’un saint, à paraître ce jeudi 17 avril chez Allary Éditions, les archives du Vatican révèlent que le Saint-Siège a été alerté sur les agissements de l’abbé Pierre dès l’automne 1955. Une procédure du Saint-Office, l’organe chargé de la doctrine et des mœurs dans l’Église, avait même été lancée. Mais elle aurait été rapidement freinée, puis enterrée deux ans plus tard, en 1957.
Des signalements dès son passage aux États-Unis et au Canada
Les journalistes Marie-France Etchegoin et Laetitia Cherel, autrices de l’ouvrage, se basent sur un document de dix pages datant de mars 1957. Ce texte, issu d’une réunion de la Congrégation du Saint-Office, détaille les comportements signalés entre 1955 et 1957. Il cite notamment un courrier du cardinal Paul-Émile Léger, archevêque de Montréal, alerté après un séjour de l’abbé Pierre au Canada. Un autre témoignage évoque des "choses immorales" commises à New York.
Un silence orchestré par les autorités ecclésiastiques françaises
Malgré la gravité des accusations, les évêques français auraient tout fait pour freiner la procédure. Le Vatican avait demandé à son nonce apostolique en poste à Paris, Paolo Marella, de suivre de près le dossier. Mais les démarches ont été rapidement stoppées. Résultat : aucune sanction, aucune suite judiciaire, et un silence qui aura duré des décennies.
Une mémoire à réinterroger
Depuis juillet 2024, l’abbé Pierre est visé par plusieurs accusations d’agressions sexuelles. Ce livre-enquête s’ajoute à une série de révélations qui viennent bousculer l’image du "héros des sans-abri". Il soulève aussi une question plus large : celle des silences de l’Église face aux dérives de certains de ses membres.